samedi 6 janvier 2007

Le coeur de corbeau (David GEMMELL)




RIGANTE : 2 LE COEUR DE CORBEAU :
Huit cents ans ont passé depuis que le roi Connavar des Rigante et son fils bâtard, Bane, ont défait l’armée de la Cité de Roc. A présent les Rigante ont perdu leur liberté et leur culture, face à l’envahisseur varlish, pour lesquelles tant des leurs avaient sacrifié leur vie. Ils vivent dans la crainte, en peuple conquis.
Il ne subsiste qu’une femme qui suit les anciennes voies de la tradition, l’Etrange du Bois de l’Arbre à souhaits, et elle seule connaît la nature du mal qui sera bientôt libéré. Pourtant, selon elle l’espoir repose sur deux hommes : un guerrier aux allures de géant, descendant des Rigante, hanté par son échec à sauver son meilleur ami de la trahison ; et un jeune dont les talents meurtriers lui vaudront la rancune des brutaux Varlish. L’un des deux deviendra le Cœur de Corbeau, un chef hors-la-loi dont les exploits inspireront les Rigante. L’autre devra forger une légende… et allumer les feux de la révolution !





Note : 3/3



Le Coeur de Corbeau, (extrait)
David 
Gemmell
Le soleil allait se coucher. Lanovar était adossé à la roche, inondé par les derniers rayons de l’astre. Il y avait peu de chaleur dans le soleil d’hiver, mais suffisamment de luminosité pour qu’il la sente à travers ses paupières closes. Lanovar soupira et ouvrit les yeux. Jaim Grymauch, à l’imposante silhouette, se trouvait à côté de lui et le regardait.
— Laisse-moi te porter jusqu’à l’Étrange, Lan, lui dit-il. Elle te jettera un ancien sortilège pour te guérir.
— Pas tout de suite, mon ami. J’ai besoin de me reposer un peu afin de reprendre des forces.
Grymauch poussa un juron et lui tourna le dos. Il défit l’attache du baudrier au niveau de son épaule et dégagea l’énorme épée large qui pendait dans son dos. La poignée noire faisait près de trente centimètres de long et se terminait par un pommeau sphérique en fer. Les quillons incurvés étaient d’une superbe facture et représentaient les ailes déployées d’un faucon de chasse. Grymauch dégaina la lame d’un mètre et l’examina dans la lumière mourante. Il restait des traces de sang qu’il s’employa à nettoyer avec sa houppelande noire. Derrière lui, Lanovar souleva le morceau de tissu gorgé de sang qu’il maintenait contre sa blessure au flanc. Le saignement s’était ralenti et la douleur avait presque entièrement disparu. Il leva les yeux vers Grymauch.
— Cette monstruosité devrait se trouver au musée de Druagh. C’est un anachronisme.
— Je ne sais pas ce que ça veut dire, grommela Grymauch.
— Cela veut dire qu’elle n’a plus sa place aujourd’hui, mon ami. Cette lame a été forgée pour éventrer les armures de plates. Plus personne n’en porte à présent.
Grymauch soupira. Il rangea sa lame dans son fourreau et vint s’asseoir à côté de son camarade.
— Plus sa place, hein ? fit-il. Un peu comme nous, alors, Lan. Nous aurions dû naître à l’époque des vrais rois des Highlands.
Du sang s’écoulait lentement du pansement qui obstruait l’autre blessure de Lanovar au bas du dos. Une grosse tache noire s’était formée sur le tissu hors la loi vert et bleu du manteau des Rigantes.
— Il va falloir faire un nouveau pansement, déclara Grymauch.
Lanovar se laissa faire sans rien dire lorsque le grand gaillard le tira en avant et ne sentit rien lorsqu’il lui appliqua une nouvelle compresse. L’espace d’un instant, l’esprit de Lanovar vagabonda.
Il revit la pierre dressée et le grand homme entièrement vêtu de noir qui l’attendait là. Tout regret était inutile à présent, mais il aurait dû se fier à son instinct. Au plus profond de lui il avait su qu’il ne devait pas faire confiance au Moïdart. Lorsque leurs regards s’étaient croisés, il avait lu aussitôt de la haine dans les yeux sombres de l’homme. Mais il y avait tant à gagner que peu importaient les risques ; ainsi aveuglé Lanovar n’avait pu voir la vérité.
Le Moïdart lui avait promis de mettre un terme à ces années turbulentes : finis les flots de sang inutiles, finies les querelles insensées, finis les meurtres de soldats ou de Rigantes. Cette nuit-là, près de l’ancienne pierre, lui et le Moïdart allaient se serrer la main afin de mettre un terme à la sauvagerie. En gage de bonne foi, le Moïdart avait accepté de déposer une pétition auprès du roi afin que le clan rigante retrouve son honneur perdu.
Corbeau, le chien de guerre brun de Lanovar, s’était mis subitement à gronder lorsqu’ils étaient entrés dans la clairière.
— Tais-toi, mon garçon, lui avait soufflé Lanovar. Nous allons mettre un terme à la guerre – pas en déclencher une nouvelle. (Il s’était approché du Moïdart et lui avait tendu la main.) Je suis heureux que nous puissions nous rencontrer ainsi, lui avait-il dit. Cette querelle a saigné les Highlands à blanc bien trop longtemps.
— Oui-da, elle prend fin ce soir, avait convenu le Moïdart en se reculant d’un pas dans l’ombre de la pierre.
Le temps d’un battement de cœur, Lanovar était resté immobile, la main tendue. Puis, il avait entendu du bruit dans les sous-bois sur sa gauche et sur sa droite, et avait vu des hommes sortir de leurs cachettes. Six soldats armés de mousquets étaient venus encercler le chef Rigante. D’autres encore avaient pénétré dans la clairière, sabre au clair. Corbeau avait bandé ses muscles, prêt à charger, mais Lanovar l’en avait empêché d’un ordre sec. Le chef rigante était resté immobile. Comme convenu, il était venu sans arme à cette rencontre.
Il avait jeté un coup d’œil au Moïdart. Le noble souriait, mais aucun humour ne se reflétait dans ses yeux sombres, sous sa capuche noire. Seulement de la haine, profonde et insatiable.
— Alors votre parole ne vaut rien, avait doucement déclaré Lanovar. Vous m’aviez promis un sauf-conduit.
— Mais tu vas l’avoir, racaille rigante, avait rétorqué le Moïdart. Un sauf-conduit jusqu’à mon château. Un sauf-conduit jusqu’à la plus profonde de ses oubliettes. Un sauf-conduit pour chaque marche qui te mènera à la potence.

© Bragelonne.fr 


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